Le 9 juin dernier, paraissait Himilce aux éditions Argyll. Livre parmi les plus attendus de notre catalogue, Himilce revisite la vie et les aventures d’Himilce, la compagne du général carthaginois Hannibal Barca. Pour vous en parler un peu plus, Emmanuel a accepté de répondre à quelques questions.
Emmanuel, Himilce sort en librairie ces jours-ci. Peux-tu nous le présenter un peu, à ta manière ?
Eh bien, Himilce est un roman (de fantasy) historique, qui prend place dans l’Antiquité et qui se penche sur le destin, forcément romancé, de la figure éponyme qui lui donne son titre. C’est aussi un nouveau défi pour moi, car c’est ma première véritable incursion dans ce domaine, même si j’ai l’impression que j’y tendais de plus en plus au fil – d’une partie au moins – de mes précédents ouvrages.
J’ai tenté, de la façon la plus vraie et honnête possible, de donner vie à cette héroïne oubliée, avec ses forces, ses failles et ses doutes. Comme toujours chez moi, je crois, mes personnages sont avant tout des êtres humains, ni tout blancs, ni tout noirs. Le tout avec en arrière-plan le cadre épique de la Deuxième Guerre Punique, celle qui a vu Hannibal franchir les Alpes avec ses éléphants, une image d’Epinal qui parle à tout le monde… sauf que nous, nous allons partir et rester de l’autre côté de la mer, à Carthage même !
L’époque carthaginoise reste finalement peu connue et peu exploitée en littérature, hormis bien sûr quand il s’agit de mettre Hannibal Barca en scène. Pourquoi avoir pris le contrepied, en choisissant le point de vue d’Himilce, son épouse ?
J’ai toujours été fasciné par les civilisations antiques et Carthage tout particulièrement. Son caractère unique, sa société, sa puissance, sa rivalité avec Rome, bien sûr… Cette rivalité qui a façonné une partie du sort de la Méditerranée et donc de l’Europe.
Mais je n’avais effectivement pas le projet de me pencher sur Hannibal, même s’il s’agit d’un personnage historique fascinant à plus d’un titre et par uniquement pour ses talents guerriers. Lorsque j’ai découvert l’existence d’Himilce et surtout la quantité dérisoire d’informations fiables à son sujet… J’ai su que j’avais trouvé le mien.
Je me suis très vite renseigné sur la condition féminine de l’époque, en détail, que ce soit à Carthage ou à Rome, et j’ai d’ailleurs bâti une biblio conséquente pour ce projet ! Mais certaines aspirations bien précises avaient déjà cours dans l’Antiquité. Si certaines femmes pouvaient aspirer à des postes prestigieux à Carthage, notamment dans la prêtrise, cela ne signifiait pas qu’elles n’étaient pas soumises à d’autres pressions ou enjeux, notamment familiaux.
Et je n’oublie pas l’influence de la guerre, même à distance, sur les esprits, sur les familles justement, cette facilité à s’enivrer de violence si l’on n’y prend pas garde, les traces que l’on en conserve, dans son corps mais surtout dans les replis de son âme… c’est également une thématique importante qui irrigue le récit, tout comme la place des croyances, voire de la magie, comment la magie peut d’ailleurs agir en tant que levier… y compris quand on émet des doutes sur sa nature profonde !
Quant à Carthage elle-même, j’ai vraiment fait de mon mieux, je le crois, pour vous plonger au cœur de la cité ou dans ses campagnes environnantes, etc. Les premiers retours semblent souligner que l’on touche du doigt cette époque, alors je ne pouvais rêver meilleur compliment.
Bien sûr, je savais néanmoins que je prenais deux gros risques avec ce contrepied : d’abord, comme tu le soulignes, Carthage est peu exploitée car peu connue. Donc dans l’esprit des gens, le nom « Himilce » en tombant sur le livre en librairie ne va pas résonner tel un « Pénélope » ou « Circé ». Et puis, pour le lectorat français, Carthage… c’est avant tout, pour ne pas dire uniquement, Salammbô et Flaubert, comme s’il n’y avait qu’une seule façon, flamboyante de bout en bout, de mettre en scène cette cité. Les deux sujets n’ont rien à voir, mais j’ai tout de même glissé un ou deux clins d’œil au sens de la « démesure » de l’auteur.
Je crois beaucoup en mes personnages, et en particulier Himilce. Quand vous donnez comme titre à votre roman le nom de son personnage principal… il est préférable de nourrir quelques certitudes à son sujet. Mais il y a aussi beaucoup de seconds rôles, pas seulement féminins, qui me tiennent à cœur. Cela dit, cette réponse me paraît déjà très longue, alors…
Quelles sont tes références en fantasy historique ? (On sait que les lecteurices sont toujours avides de conseils d’un spécialiste !)
Alors, je n’aurai pas la prétention de me considérer comme spécialiste !
Toutefois, sans surprise, puisque la comparaison a déjà fleuri dans quelques chroniques, Guy Gavriel Kay. Les Lions d’Al-Rassan, l’un des premiers romans de l’auteur que j’ai lus, m’a profondément marqué à l’époque, surtout pour l’intensité des sentiments qu’il fait naître chez/entre ses protagonistes, quelque chose que j’ai tenté de reprendre à mon compte.
Je ne sais pas si Jacqueline Carey et Kushiel pourraient vraiment se ranger en fantasy historique mais là encore, sur le strict plan des personnages et des sentiments… Et en parlant de Carthage, je pourrais aussi citer Le Livre de Cendres de Mary Gentle !
Argyll, 2023.