Christian Léourier : Au carrefour de L’Histoire.

Sous le Vent de la liberté">

Au carrefour de l’Histoire, avec Christian Léourier.

Le 10 novembre, dans toutes les libraires, sera disponible Sous le Vent de la liberté de Christian Léourier, un très grand roman historique que nous vous invitons à découvrir…

. Bonjour Christian. Le Mois de L’Imaginaire s’achève et nous on en profite pour… publier de toi un roman historique, Sous le vent de la liberté. Même si tu écris majoritairement de l’imaginaire, l’Histoire a toujours eu une part importante dans tes récits (comme dans Dur silence de la neige). Tu peux nous en dire plus ? 

Sous le Vent de la liberté sort le 10 novembre.

Il n’y a en fait pas trop de différences dans l’intention entre le roman historique et la science-fiction ou la fantasy, telles que je les pratique dans le cycle de Lanmeur ou La Lyre et le Glaive, par exemple. Ce qui m’intéresse, c’est d’analyser l’impact d’une organisation sociale —  qui n’est jamais le fait du hasard mais s’est construite avec le temps — sur la mentalité de ses membres. Le fameux miroir de Stendhal est en fait à double foyer : les personnages, par leurs actions, dévoilent la société dans laquelle ils évoluent, laquelle explique en retour leurs actions. La différence entre le roman historique et les genres imaginaires, tient au fait que le passé est connu, donc, pour rester crédible, il faut beaucoup travailler en amont sur la documentation. Dans le cas présent, le risque était de trouver la réalité plus romanesque que le roman, tellement l’époque est surprenante.  

. Dans ce livre, tu traites de mouvements sociaux et politiques importants, au XVIIIe. Pourquoi cette période, en particulier, t’a  mené vers l’écriture d’un roman qui traite beaucoup, sous le vernis du roman d’aventure, de ces questions sociétales ?

La deuxième moitié du XVIIIe s. est une période charnière, où beaucoup de choses basculent, non seulement en France, mais dans le monde entier : indépendance des Etats-Unis et création d’une république, ce qui nous semble évident aujourd’hui mais a secoué les cours d’Europe ; développement d’une classe économique puissante (on l’oublie souvent, mais la conquête de l’Inde n’est pas le fait de la couronne d’Angleterre, mais d’une armée privée au service de la Compagnie des Indes, de même que l’abolition de la traite des Africains trouve ses racines moins dans l’humanisme que dans la volonté des Britanniques de saper le commerce français) ; et bien entendu, la Révolution française. C’est aussi le moment où apparaissent les idéologies, et au premier chef celle qui sert de fondement aux autres, l’idéologie du progrès.

Bien sûr, l’ancien régime est aussi le produit d’une idéologie, mais elle est tacite : il y a un ordre, d’essence sacrée, il convient de s’y conformer. S’il y a débat, il faut le chercher du côté de la théologie, pas dans le politique. Le contrat social dynamite cette immuabilité et replace l’homme au centre du plateau. Or, dire que l’ordre social est purement contractuel est inconfortable, car la nature même du contrat en question peut constamment être remise en cause —  et de fait l’a été. Nous vivons encore sur cet héritage mais nous sentons bien qu’un changement radical est en train de se produire. La seule façon de ne pas se sentir broyé, c’est précisément de redonner à notre présent une épaisseur historique. Pas pour s’accrocher au passé, mais pour comprendre les mécanismes qui s’y sont développés. Je ne crois pas plus au sens qu’à la fin de l’Histoire.

Mais j’aime bien me donner  de temps en temps l’illusion de comprendre le monde dans lequel je vis.  

Christian Léourier, auteur de Sous le Vent de la liberté, éditions Argyll.
Christian Léourier aux Utopiales 2021

. Ton personnage principal est breton. Est-ce par amour de la Bretagne ou penses-tu qu’il y a une sorte “d’image d’Epinal” de l’aventurier breton qui collait au traitement de l’histoire et à l’époque concernée par le récit ? Ou alors, il y a une autre raison ?

Histoire de passer pour un juriste accompli, je prétendrais bien que toute l’intrigue repose sur un article du droit breton en matière de succession en usage à l’époque, d’où la nécessité de camper comme principal protagoniste un personnage en relevant. Mais bien entendu c’est après l’avoir choisi que, me documentant sur ce qu’était la vie des nobliaux bretons au XVIIIe s., j’ai pris connaissance de ce point de droit ; il tombait à pic pour lancer mon histoire, je l’ai donc utilisé.

Alors pourquoi un personnage breton ? Parce qu’il me fallait un navigateur et que la Bretagne est au bord de la mer. Surtout, je crois, parce que je me sens à l’aise dans la culture celtique. Le troisième mentor de Jean, outre un prêtre féru d’antiquité et un père adepte de Bayle et de Voltaire, est un vieux rebouteux qui le nourrit des légendes armoricaines. Aventurier, Jean le devient par la force des choses. Mais, du moins le vit-il ainsi, pas par hasard. Il se laisse emporter par sa destinée, qui a souvent le visage d’une femme, sans pour autant s’y soumettre. En cela, cet idéaliste qui se blesse souvent à la réalité appartient à la « matière de Bretagne ». 

. Prenons un instant à contre-pied le Mois de l’Imaginaire. Quelques romans historiques t’ont marqué ?

Au premier chef, Les Rois maudits. Les classiques, bien sûr, Dumas, Scott, Hugo, Rosny aîné, et aussi des romans considérés comme de l’aventure, mais qui reposent sur un fond historique : Stevenson, Cooper, Curwood. Les romans de marine : Forester, O’Brian… Je n’aurais garde d’oublier les mémorialistes, qui font de leur vie un roman (et quelquefois l’inverse) ; Casanova, Garneray,  Restif de la Bretonne, Chateaubriand… Bref, les sources d’inspiration ne manquent pas. Mais au delà du genre, toute la littérature renvoie à un moment de l’histoire. Zola est contemporain des Rougon-Macquart ; nous le lisons aujourd’hui comme un témoignage de ce que fut la vie sous le Second Empire. Et si vous voulez savoir comment pense un Américain des années cinquante, lisez Heinlein. 

. Revenons à l’Imaginaire. Et dans ce domaine, tu n’es pas avare de projets. L’intégrale Jarvis sort bientôt chez Critic. Tu as une novella en cours ? Des nouvelles à paraître ? Un petit mot là-dessus et / ou sur tes projets ?

 Une nouvelle dans l’antho Par-delà l’horizon, chez ActuSF, paraîtra fin octobre. Et je travaille actuellement sur une paire de nouvelles pour un projet du Bélial. Ensuite, eh bien on verra d’où soufflera le vent.

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